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Ce que les robots nous apprennent du cerveau (et vice-versa)

Les récentes découvertes en neurosciences permettent d’aller plus loin dans la compréhension de l’intelligence artificielle. Et réciproquement.

Et si observer la façon dont les machines apprennent par elles-mêmes nous permettait de mieux comprendre nos propres processus cognitifs ? L’hypothèse peut surprendre, c’est pourtant ce qui se produit déjà avec l’apprentissage par renforcement. Le robot teste une action, en observe les conséquences qu’il garde en mémoire. Puis il tente une autre action, jusqu’à trouver une option qui corresponde à ce pour quoi il est programmé. C’est ainsi que fonctionne le fameux joueur de go AlphaGo, programme informatique de la société Google Deepmind, ou bien les voitures autonomes de Tesla. L’apprentissage par renforcement permet aujourd’hui aux neurobiologistes de mieux comprendre le fonctionnement d’une partie du cerveau, les ganglions de la base, qui agiraient de façon très similaire aux algorithmes utilisés par les chercheurs en IA. En fait, ces derniers ont conceptualisé avant les neuroscientifiques ce que la nature a mis en place à travers les âges. La découverte pourrait avoir des conséquences importantes, car les ganglions de la
base sont, par exemple, en jeu dans la maladie d’Alzheimer.

Trier et oublier

Mais l’échange se fait aussi dans l’autre sens : les chercheurs en IA se servent des trouvailles en neurosciences, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de la mémoire. Parmi leurs récentes découvertes, les neuroscientifiques ont constaté que, pendant le sommeil, le cerveau réactive les réseaux neuronaux sollicités pendant la journée. Surtout, ce faisant, il semble actionner un variateur de lumière vers le bas : les réseaux les plus puissants baissent alors d’intensité, tandis que les plus faibles vont revenir à leur état initial, celui de l’oubli. Un processus que les scientifiques nomment le downscaling : c’est ainsi que se fait le tri entre ce que nous allons retenir ou pas. Pour apprendre, il faut donc savoir oublier… Cette idée est désormais l’un des principaux axes de la recherche en IA. Daniele Calandriello, un jeune docteur de l’équipe SequeL de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), a ainsi obtenu, en avril 2018, le prix Thèse en IA décerné par l’Association française pour l’IA. Il a mis au point une méthode permettant aux machines de réaliser un tri dans les données reçues afin de ne garder que les informations utiles. Et d’« oublier » les autres.

Cercle vertueux

Chercheurs en neurosciences et en IA seront ainsi amenés de plus en plus à travailler ensemble à l’avenir. « C’est un cercle vertueux qui se met en place,
où les chercheurs en IA utilisent des idées venant des neurosciences pour construire de nouvelles technologies tandis que les neuroscientifiques s’inspirent du comportement des agents artificiels (comme les robots) pour comprendre les cerveaux biologiques », affirme ainsi Demis Hassabis le directeur de Deepmind.
Lui-même porte les deux casquettes : chercheur en neurosciences et en IA.
D’autant que de nouvelles techniques comme l’optogénétique se développent. Celle-ci permet de rendre des neurones sensibles à la lumière et, ainsi, de mesurer précisément l’activité du cerveau. Un progrès décisif pour les scientifiques qui pourront de ce fait, dans un avenir proche, cartographier l’ensemble des réseaux neuronaux et mieux en comprendre les mécanismes. Nul doute que les chercheurs en IA s’en inspireront pour créer des systèmes dont le fonctionnement ressemblera à celui des cerveaux humains.

Judith Mercadet

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