Le pardon – c’est à dire notre faculté à abandonner nos rancunes et à changer notre regard sur celui ou celle qui nous a fait du mal- nous permet de nous libérer des pensées négatives qui nous obsèdent et finissent par nous rendre littéralement malade. Lorsque nous pardonnons, nous mettons en branle un système très complexe dans notre cerveau : nous stimulons le cortex préfrontal dorsolatéral, une zone qui régule les émotions mais aussi le cortex inféro pariétal et le précuneus, deux régions liées à l’empathie et à notre capacité à nous mettre à la place de l’autre (ce que l’on nomme le système de mentalisation). En faisant cela, nous réévaluons l’événement traumatisant en des termes plus positifs – ou, en tout cas, moins négatifs – et nous faisons un effort pour nous mettre à la place de la personne qui nous a fait du mal.
Certaines personnes enclencheront le processus du pardon spontanément. D’autres ne le feront pas aussi facilement. Mais rien n’est perdu car on peut aussi apprendre à pardonner ! Un peu comme on s’abonnerait à un club de sport : le pardon nécessite de la volonté mais aussi beaucoup de travail. L’exercice suivant a été créé par le psychologue américain Robert Enright, qui a ainsi mis au point une méthode à suivre pas à pas, le Process model of forgiveness (« modèle de processus du pardon »), qui décompose les étapes du pardon. Et vous entraîne à utiliser votre système de mentalisation et vos capacités d’empathie.
Pas de baguette magique : pardonner est un processus intime qui peut prendre du temps, suivant la gravité du mal accompli. Robert Enright a ainsi mené ce travail avec des victimes d’inceste. « Nous les avons accompagnées tout au long de ce cheminement pendant 14 mois à raison d’une heure de thérapie par semaine, jusqu’à ce qu’elles aient pardonné à celui qui les avait agressées, affirme Robert Enright. Dans nos sessions, aucune personne ayant fait le choix de pardonner n’a abandonné en disant que c’était impossible ou qu’elle n’y arriverait jamais. »
Suivez les étapes suivantes pas à pas :
1 – Faites une liste de quelques personnes qui vous ont blessé assez fort pour justifier que vous fassiez l’effort de leur pardonner. Pour cela, établissez pour chacune une échelle de 1 à 10, selon la douleur que cette personne vous a infligée. Le 1 étant pour la moins forte et le 10, la plus forte. Rangez les personnes de votre liste du moins douloureux au plus douloureux. Commencez par la personne qui vous a le moins blessé.
2-Observez la blessure infligée par la première personne de votre liste. Demandez-vous quelles conséquences négatives celle-ci a-t-elle eu sur votre vie. Réfléchissez à la façon dont cela vous a nuit, psychologiquement et physiquement. Cela a-t-il changé votre vision de l’humanité, la confiance que vous portez aux autres ? Reconnaissez que ce qui vous est arrivé n’est pas juste, et autorisez-vous à ressentir toutes les émotions négatives qui surgissent alors.
3-Quand vous êtes prêt, prenez la décision de pardonner. Cela implique d’avoir pleinement conscience de ce qu’est le pardon : c’est à dire le fait d’entrer dans une démarche de compassion vis-à-vis de la personne qui vous a blessé. Lorsque nous offrons cette compassion, nous essayons délibérément de réduire notre ressentiment vis-à-vis de cette personne pour lui offrir en échange de la gentillesse, du respect, de la générosité, et même parfois de l’amour.
4- Commencez avec les petits exercices cognitifs suivants : posez-vous les questions suivantes au sujet de la personne qui vous a fait du mal : Comment s’est passé son enfance ? Quelles blessures a-t-elle subi elle-même qui pourraient la rendre susceptible de s’en prendre aux autres ? Lorsque cette personne vous a blessé, était-elle en situation de stress ? Pourquoi ? L’objectif n’est pas de l’excuser ou de fermer les yeux sur ce qui s’est passé mais plutôt de mieux comprendre ses faiblesses, sa propre zone de souffrance, ce qui la rend vulnérable. Comprendre les raisons qui poussent les gens à avoir un comportement destructeur est aussi une façon de mieux prévenir ce genre d’acte à l’avenir.
5- Soyez attentif alors au moindre mouvement de votre coeur, à ce qui pourrait laisser penser que vous commencez à ressentir un peu de compassion pour cette personne. Celle-ci a peut-être subi une mauvaise influence…Sans doute s’est-elletrompé, etc. Peut-être même qu’elle regrette aujourd’hui profondément ses actions. Observez si vos émotions à son égard évoluent peu à peu.
6-Visualisez-vous en train de porter la douleur que cette personne vous a causée. C’est vous et vous seul qui portez cette douleur. Lorsque nous sommes blessés émotionnellement, nous avons tendance à déplacer notre souffrance sur les autres et à faire du mal à des proches qui ne nous ont rien fait. Il est important d’en prendre conscience afin de ne pas nourrir une spirale de colère et de représailles.
7- Réfléchissez à un cadeau que vous pourriez lui offrir. Cela peut être à travers un sourire, un appel téléphonique, ou des paroles bienveillantes la concernant. Attention, il faut que votre propre sécurité soit toujours la priorité. Si passer du temps avec cette personne vous met en danger, trouvez un autre moyen d’exprimer vos sentiments. Vous pouvez les décrire dans un journal ou bien pratiquer une méditation de compassion.
8-Finalement, tentez de trouver du sens à ce que vous avez vécu. Lorsque nous vivons une injustice, nous devenons souvent plus sensibles à la souffrance des autres, plus altruistes.
Une fois que vous avez terminé ce cheminement avec la première personne de votre liste, faites de même avec la seconde et ainsi de suite jusqu’à ce que vous ayez pardonné la personne qui vous a fait le plus de mal. Plusieurs études ont observé les effets de ce modèle de processus de pardon. Les personnes qui ont utilisé cette méthode ont vu leur état psychologique s’améliorer. Leur anxiété et leur colère ont diminué. Il s’agissait de thérapies sur le long terme, de 6 à 60 semaines.
Eric jamin
Sources et références :
–The Use of Forgiveness Therapy with Female Survivors of Abuse, Robert D Enright
-Un livre : Forgiveness Therapy (2015). Washington, DC: American Psychological Association. Robert D Enright, Richard Fitzgibbons
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