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Mondiaux de Doha : les athlètes sacrifiés

Chaleur suffocante et stades presque vides, les championnats du monde d’athlétisme de Doha tournent au fiasco. Les abandons se multiplient. Pas étonnant : les cerveaux des athlètes sont mis à rude épreuve. Explications en trois points.

1) Leurs neurones sont en surchauffe.

Le corps humain ne supporte pas les températures extrêmes. Mais ce sont aussi les variations de température auxquelles sont confrontés les athlètes qui posent problème. Entre le froid de la climatisation poussée à fond dans les hôtels de Doha et la chaleur humide extérieure, il y a de quoi désarçonner les organismes. Les scientifiques ont ainsi longtemps pensé que le cerveau ne faisait que réagir aux stimuli extérieurs. Or ceux-ci pensent aujourd’hui que son fonctionnement est d’abord prédictif. Enfermé dans une boîte noire, telle une momie égyptienne, il n’a pas accès directement au monde extérieur. Seule une petite partie des informations venant de nos sens est véritablement traitée par le cortex. Le cerveau s’appuie sur ces infos parcellaires, les compare à ce que nous avons déjà vécu et émet ainsi des hypothèses sur la réalité. C’est d’ailleurs ce qui explique les illusions optiques. Objectif de la manoeuvre : pouvoir réagir le plus vite possible pour garantir notre survie. Lorsque nous devons fournir un effort dans un contexte différent de celui auquel nous sommes habitués, nous avons besoin d’un temps d’adaptation. Si le contexte change continuellement, passe du chaud au froid sans arrêt, le cerveau doit continuellement changer ses plans. Épuisant…

2) Leur capacité de contrôle est dépassée

Comment font les sportifs pour supporter la souffrance ? Ils sont MO-TI-VÉS ! A l’origine de la motivation, il y a un calcul effectué par le cerveau dans une zone précise du cortex orbitofrontal. Notre cortex y convoque deux systèmes cérébraux. Le premier évalue le bénéfice de l’action. C’est le circuit de la récompense qui implique deux régions cérébrales : le cortex orbitofrontal et le striatum ventral, et un neuromodulateur, la dopamine. Et l’autre, le système de l’effort – impliquant le cortex cingulaire, l’insula et la sérotonine – évalue son coût. Le rapport des deux, appelé la « valeur nette », permet au cerveau de déterminer s’il faut s’engager dans l’action. Ainsi, plus la valeur nette d’une action est élevée, plus la motivation sera forte.

Mais comment réagit le cerveau si les coûts deviennent soudain trop élevés ? Si vous avez déjà participé à un marathon, vous savez qu’aux alentours du 30ème kilomètre, votre corps commence parfois à vous jouer des tours. Vos jambes se transforment en plaques de béton, vous ressentez une fatigue immense. Votre cerveau a mis le holà et vous pousse à revenir à une activité plus raisonnable ! Vous pouvez soit vous arrêter et être soulagé, mais vous n’aurez pas réussi votre pari. Ou décider de tenir. Celui qui continue va alors réussir à privilégier les bénéfices sur le long terme plutôt que la satisfaction sur le court terme, le soulagement, s’il s’arrête. C’est ce qu’on appelle la capacité de contrôle. Les athlètes qui participent aux mondiaux de Doha sont bien sûr des as de la capacité de contrôle. Ils arrivent à faire pencher eux-mêmes la balance vers les bénéfices plus efficacement que le commun des mortels. Comment ? grâce à ce qu’on appelle « le mental », en fait les valeurs qui leur sont propres- comme le dépassement de soi- et aussi des techniques de motivation personnelle (voir notre article ici). Mais la capacité de contrôle n’est pas non plus tout puissante. Si les coûts sont trop importants pour le corps, comme lorsqu’il fait 40 degrés à l’ombre, le cerveau agira, de toutes les façons, dans le but de la survie… Et, en général, fera tout pour que l’athlète s’arrête et abandonne.

3) Et si, en plus, personne ne les encourage !

Les encouragements des supporters peuvent aussi jouer aussi un rôle chez certains sportifs ! Une équipe de chercheurs turcs a ainsi demandé en 2013 à deux groupes d’athlètes de haut niveau de soulever une plaque de fonte avec leurs jambes. Le premier groupe bénéficiait d’encouragements verbaux (une voix leur criait « Pousse! pousse! « ) tandis que les membres du deuxième groupe effectuaient l’exercice en silence. Tous avaient également répondu à un questionnaire mesurant leur rigueur, leur souci du travail bien fait. Résultat : ceux qui s’étaient montrés les moins consciencieux ont été plus sensibles aux encouragements et ont contracté davantage les muscles de leurs mollets !

Pour en savoir plus :

L’étude des chercheurs turcs

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