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Enfants de djihadistes : Oui, on peut « réparer » leur cerveau !

Les enfants de djihadistes sont-ils des « bombes à retardement » ? Non, selon les neurosciences, à condition qu’ils soient bien pris en charge. Explications en 4 points.

1- Le cerveau des enfants est éminemment plastique.

Le cerveau est sans cesse en train de se transformer. C’est même son mode de fonctionnement ! À chaque fois que nous acquérons une compétence, qu’une pensée inédite nous traverse, nous modifions des connexions dans notre cerveau. Les plus petits sont littéralement conçus pour l’apprentissage ! Leur cerveau a davantage de connexions interneuronales. Un peu comme un canevas où toutes les broderies seraient possibles. Cela a du bon et du mauvais. Le mauvais d’abord : pas besoin donc de mettre en place des techniques de manipulation mentale sophistiquées pour endoctriner les enfants. Et pour ce qui est du bon : cette plasticité permet aussi d’effacer ce qui a été appris, comme avec une ardoise magique. Et de reconstruire quelque chose de nouveau. Avec plus ou moins de difficultés, bien sûr, selon l’âge de l’enfant.

2- Leurs traumatismes sont réversibles

Sur place, ils ont souvent vécu l’angoisse des bombardements, parfois le deuil, lorsqu’un des parents a été tué. À leur retour, certains ont été séparés de leur mère lorsque celle-ci a été emprisonnée dès son arrivée en France. Or, on connaît aujourd’hui les effets désastreux du stress toxique sur le cerveau des enfants. Lorsque nous nous sentons menacés, en insécurité, nos glandes surrénales se mettent à produire de l’adrénaline, de la norépinéphrine et du cortisol.  Sous l’effet de ces hormones du stress, notre coeur se met à battre plus fort, nos muscles se contractent et notre pression sanguine augmente. Nous voilà en position de « se battre ou fuir ». Chez un jeune, le stress chronique a de graves conséquences. Toute son énergie est utilisée pour faire face à la situation au détriment du développement de son cerveau… Affaiblis, ces enfants auront davantage tendance, s’ils ne sont pas correctement pris en charge, à se raccrocher à l’idéologie qu’on leur a imposée, pour tenter de donner du sens à ce qu’ils sont en train de vivre. 

Lorsque ces enfants ont vécu des traumatismes plus graves – s’ils ont assisté à des exécutions, par exemple – ils peuvent même se trouver en état d’« agonie psychique ». Le cortex préfrontal, une grande partie du système limbique et le lobe temporal se mettent en « veille » tandis que l’amygdale, qui gère la peur, devient hyperactive. L’enfant est mutique. Il n’arrive pas à gérer ses émotions et laisse exploser son agressivité.

3- Le processus de résilience peut être facilité

L’enjeu sera alors de faciliter le processus de résilience de l’enfant. Cela passe concrètement par l’activation de nouveaux circuits neuronaux qui viendront compenser ceux lésés par le trauma. Un remodelage du cerveau en quelque sorte. Pour cela, deux conditions sont nécessaires. D’abord, il faut que l’enfant puisse s’exprimer. Le fait de parler modifie le fonctionnement cérébral et régule les émotions. Mais alors, il faut que la parole de ces enfants de djihadistes puisse avoir une place dans notre société. « Le fait de raconter ce qui s’est passé à ses proches n’est pas le seul facteur de résilience ; il y a également le récit collectif, explique ainsi le neuropsychiatre Boris Cyrulnik à notre confrère Cerveau & PsychoEt là, les journalistes, romanciers, cinéastes, historiens jouent un rôle culturel important. Car, si au moment où la victime redevient capable de raconter son histoire, la société dans laquelle elle vit est indifférente, alors la résilience est impossible. » 

4- L’environnement affectif accélère la guérison

Surtout, l’enfant doit être entouré, câliné, choyé par un entourage aimant. L’enjeu est de taille : les scientifiques ont découvert que les traumas psychiques laissaient des marques épigénétiques sur le génome des cellules de notre cerveau. Surtout nous les transmettons à nos enfants ! Des cicatrices épigénétiques en quelque sorte qui provoqueraient des dépressions et des comportements asociaux, inexpliqués jusqu’à maintenant. Heureusement, des études récentes montrent que ces marques pourraient elles-mêmes être gommées grâce à… l’affection et au soin ! Donner une place à ces enfants, leur apporter la sécurité dont ils ont besoin pour se reconstruire, malgré les crimes de leurs parents… Il faut le faire par humanité bien sûr, mais aussi pour notre avenir à tous : c’est la façon la plus efficace de contrecarrer les plans de Daech.

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