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Donnez… et votre cerveau vous le rendra!

Et si donner aux autres nous rendait tout simplement heureux ? Les neurosciences montrent que non seulement la générosité serait naturelle chez l’humain, mais que celle-ci serait aussi source de bonheur.

Vous donnez votre sandwich à une personne dans la rue et soudain un élan de joie vous transporte. De la sensiblerie ?  Détrompez-vous. Les neurosciences sont en train de prouver que la générosité est bien plus qu’une simple qualité. Leurs conclusions sont en train de révolutionner notre conception de la nature humaine: non seulement être généreux nous rend réellement heureux mais la générosité serait même un élan spontané, au coeur du processus de sociabilisation.

Le cortex préfrontal bride notre générosité

Pourquoi dans ce cas ne sommes nous pas plus généreux ? La faute à deux régions du cortex préfrontal, (dorsolatéral et dorsomédium) une zone du cerveau qui se développe en dernier chez l’être humain et qui est liée notamment au contrôle des émotions et des pulsions et à l’élaboration de pensées complexes. C’est en tout cas ce qu’a découvert l’équipe de Marco Iacoboni, professeur à l’université californienne de Los Angeles (UCLA), lors d’une expérience au cours de laquelle le chercheur a inhibé le fonctionnement de ces deux zones grâce à la stimulation magnétique transcranienne, (rTMS) une nouvelle technique utilisée notamment pour soigner les dépressions. Résultat : bloquer ces zones du cortex préfrontal a augmenté de 50 % la générosité des participants à l’étude. « Il y a deux théories: celle de Rousseau qui dit que nous sommes nés bons et que ce sont les circonstances qui nous poussent à devenir égoïstes, explique Marco Iacoboni. Et puis celle de Hobbes pour qui l’homme, qui est naturellement un loup pour l’homme, peut se socialiser grâce à l’éducation…  Notre étude suggère que la générosité est d’abord un élan spontané qui par la suite, est contrôlé par le cortex préfrontal ». Celui-ci agit comme une valve qui tempérerait nos élans altruistes. Autrement dit, nous devons faire des efforts cérébraux pour être égoïste…

Un comportement pro-social indispensable à notre survie

Donner ferait donc partie de notre nature ? Et pourquoi pas ?  Qu’est-ce qui peut donc bien pousser l’être humain à se délester, au profit d’un autre, de quelques pièces de monnaie, d’un objet ou de temps dont il pourrait avoir besoin pour son propre avantage et sa survie ? Une pratique «irrationnelle» qui fut d’ailleurs un véritable casse-tête pour Charles Darwin, lors de l’élaboration de sa théorie de l’évolution, tant le célèbre naturaliste était convaincu que seules les espèces les plus égoïstes avaient pu survivre. Plus tard, les biologistes ont conçu la théorie de la « sélection de parentèle» qui dit que les humains sont altruistes envers les personnes qui leur ressemblent, celles qui ont les mêmes gênes, afin de perpétuer leur patrimoine génétique. Mais cette idée s’est heurtée au réel : le monde est plein de gens désintéressés qui donnent de l’argent, du temps et parfois même leurs propres organes à des personnes qu’ils ne connaissent pas et dont ils savent pertinemment qu’elles ne pourront jamais les rembourser. 

Le cerveau empathique

Les comportements que les chercheurs qualifient de « pro-sociaux » comme la générosité, sont ainsi probablement ceux qui ont permis à Homo Sapiens d’être la seule espèce à avoir colonisé la planète entière. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont dû se regrouper pour survivre. Cette interdépendance les a poussés à développer un savoir vivre en société nécessaire à la survie de chacun : partager la nourriture de façon équitable pour préserver l’unité du groupe, s’entendre sur la stratégie de chasse à adopter pour qu’elle soit la plus efficace possible. Peu à peu nous avons développé des capacités empathiques, une habilité à nous mettre à la place de l’autre, à ressentir ce qu’il ressent et à comprendre ses intentions.

Pour Marco Iacoboni, la générosité est ainsi un mode d’expression naturel de notre « cerveau empathique ». C’est parce que nous sommes capables de nous mettre à la place de l’autre que nous donnons. Celui-ci a ainsi observé les cerveaux de volontaires lors de deux expériences successives. D’abord, ceux-ci devaient regarder une vidéo dans laquelle une personne était piquée avec une aiguille. Puis les scientifiques ont donné aux participants de l’étude une somme d’argent qu’ils devaient partager avec des personnes qui leur étaient inconnues. « Les résultats étaient clairs comme de l’eau de roche : ce sont ceux qui se sont montrés les plus empathiques lors du premier test qui ont le plus donné. Nous avons pu même prédire le montant donné en fonction des images cérébrales de la première expérience !» s’exclame le scientifique.   

Donner rend heureux

Mais il y a sans doute davantage… Et si donner nous rendait tout simplement heureux ? Pour répondre à cette question, l’équipe de Philippe N. Tobler, neuroéconomiste à l’université de Zürich, a étudié par IRM (Image à résonance magnétique) les cerveaux de 50 personnes à qui les scientifiques ont annoncé qu’elles allaient recevoir 23 euros par semaine pendant quatre semaines. La moitié d’entre eux devait utiliser cet argent pour eux. Tandis que l’autre moitié devait dépenser la somme au profit d’autres personnes. « Nous savions déjà que le lien entre générosité et bonheur existait d’un point de vue comportemental, explique Philippe N. Tobler, mais nous ignorions totalement ce qui se passait au niveau cérébral. A la fin de l’expérience, non seulement, les personnes qui étaient dans le groupe des « généreux » se sont dites davantage heureuses que les autres, mais cela s’est également vu sur les images de leur cerveau ! ». Le fait de donner y avait tracé une guirlande lumineuse (de Noël…) entre deux zones cérébrales distinctes : le carrefour temporo-pariétal, une région du cerveau située au dessus de chaque oreille qui s’active lorsque nous essayons mentalement de nous mettre à la place de quelqu’un d’autre et le striatum ventral, qui fait partie du circuit de la récompense et du plaisir. D’où le sentiment de bien-être !

Muriel Sainte-Croix

L’étude de Marco Iacoboni sur le rôle du cortex préfrontal : Increasing generosity by disrupting prefrontal cortex, Mar 2016 · Social Neuroscience https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5593255/

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