Le ciel bas vous pèse sur le moral comme un couvercle, quand soudain le coup de fil d’une amie chère vous transporte de joie et colore votre journée d’une teinte différente. Il y a aussi cette voisine qui semble traverser son existence un sourire accroché aux lèvres, malgré les drames de sa vie. Difficile de décrire exactement ce qui se passe dans le cerveau d’une personne de bonne humeur. Jusqu’à récemment, il y avait peu d’études sur le sujet. Résultat : cet état d’esprit positif mais pas excessif, qui n’est ni de la joie, ni de l’euphorie et qui s’inscrit dans la durée, reste mystérieux. Les scientifiques commencent juste à en percer les secrets. Ce qu’ils découvrent est passionnant. La bonne humeur est bien plus qu’un simple état d’âme : c’est un mécanisme cérébral fondamental en lien avec notre survie.
Un shoot de dopamine
À l’origine de la bonne humeur, il y a un neurotransmetteur, la dopamine, générée dans les régions profondes du cerveau. « Lorsque vous apprenez une nouvelle qui vous fait plaisir, par exemple, vous ressentez un shoot d’énergie, dû à une décharge de dopamine dans votre cerveau, explique Gilles Pourtois, professeur de psychologie à l’Université de Gand en Belgique. Cela vous donne un gain énergétique, vous vous sentez puissants ». Mais la dopamine ne suffit pas à expliquer l’effet à moyen ou long terme de la bonne humeur. Un autre neurotransmetteur agirait également : la sérotonine, que l’on utilise d’ailleurs dans les antidépresseurs. C’est l’équilibre entre ces deux neurotransmetteurs qui serait la recette de la bonne humeur chez l’humain.
En mode exploration !
Celle-ci ne procure pas seulement du bien-être, elle va littéralement changer votre perception du monde. Car, une fois libérée, la dopamine se propage dans le cortex préfrontal, la partie du cerveau en charge des processus cognitifs. Une expérience menée par Gilles Pourtois a ainsi montré que les personnes mises dans un état de « bonne humeur » grâce à une technique de visualisation d’événements heureux, disposaient d’un champ visuel plus large que les autres lorsqu’ils effectuaient un test de repérage de cibles sur l’écran d’un ordinateur. « Notre cerveau fonctionne selon deux modes, analyse le chercheur : le mode « exploitation » lorsque celui-ci travaille sur les données déjà emmagasinées, ce que nous faisons, par exemple, quand nous dormons ou ruminons des pensées. Et le mode « exploration », lorsque le cerveau traite les stimuli extérieurs. L’action de la dopamine sur notre cerveau lui donne l’énergie qu’il faut pour le faire passer en mode exploration. » Une humeur positive vous amène ainsi à ouvrir votre esprit et vos yeux sur ce qui se passe autour de vous. Vous êtes plus attentif à la nouveauté, plus apte à associer des idées. En revanche, les personnes qui se trouvent dans un état d’esprit négatif, vont avoir tendance à focaliser leur attention sur elles-mêmes, à ruminer des pensées négatives. Un peu comme si vous évoluiez dans la vie avec deux appareils photos : l’un doté d’un grand-angle et de toutes les optiques, et l’autre qui ne ferait que des selfies en gros plan. Quand vous êtes de mauvaise humeur, vous êtes en mode selfie, introverti. Quand vous êtes de bonne humeur, vous optez pour le grand angle et la vue panoramique. Cela va vous permettre de voir des choses que vous n’aviez pas envisagées.
La bonne humeur booste notre créativité
Plus étonnant encore, la bonne humeur a aussi un effet sur la façon dont le cerveau gère les erreurs. Lors de l’expérience menée à l’Université de Gand, les scientifiques ont remarqué que les personnes qui avaient un état d’esprit positif accordaient moins d’importance au fait de se tromper. « Lorsque nous faisons une erreur, un signal d’alarme retentit dans notre cerveau, explique Gilles Pourtois. Ce mécanisme de détection de l’erreur est moindre lorsque nous sommes de bonne humeur. Or, considérer une erreur comme une simple donnée, et non comme quelque chose de forcément négatif, permet de la traiter comme une information en soi et d’en tirer un enseignement. » Ce mode « test-erreur » allié à celui de l’exploration fait que la bonne humeur vous rend plus créatif ! Terminé le mythe du génie torturé.
Tout le monde n’a bien sûr pas la même faculté à être de bonne humeur. « Cela dépend à la fois de notre patrimoine génétique et des traumatismes vécus. Si votre transmission dopaminergique (le mécanisme de gestion de la dopamine) est défaillante parce que certains gènes vous manquent et que vous avez été confronté à des traumatismes majeurs pendant votre enfance, vous avez davantage de risques de développer des troubles de l’humeur à l’âge adulte », prévient ainsi Gilles Pourtois.
Muriel Sainte-Croix
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