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Elena Welsh : « Arrêtez d’éviter les choses qui vous effraient ! »

Docteure en psychologie, Elena Welsh est une spécialiste reconnue des troubles anxieux et paniques. Enseignante à l’Université Antioch de Los Angeles, elle collabore à de prestigieuses revues scientifiques. Dans cette interview, elle livre – en exclusivité pour les lecteurs de 6boolo – toutes les clés pratiques pour se libérer de ses peurs.

Dr Elena Welsh, comment définir la panique et comment la distinguer de l’anxiété, de l’angoisse ?

Elena Welsh : « Une crise de panique est une montée soudaine de peur et d’inconfort physique qui sature généralement en quelques minutes. Les symptômes physiques incluent les changements de la fréquence cardiaque, la transpiration, la nausée, des frissons et un sentiment de confusion. C’est pourquoi tant de personnes confondent la panique avec des attaques cardiaques ou d’autres graves accidents de santé et se rendent aux urgences.

Les sensations physiques de la panique sont souvent accompagnées de pensées anxieuses telles que la peur de perdre le contrôle ou de mourir.

La panique se distingue de l’anxiété par son caractère abrupt et sa courte durée. Bien que des sensations physiques peuvent accompagner les autres formes d’anxiété, les sensations physiologiques dominent les évènements de panique et deviennent la source première de peur. »

Que se passe-t-il exactement dans notre cerveau lorsque la panique nous gagne ? Qu’est ce qui fait que nous perdons notre calme, notre capacité à raisonner, à penser ?

Elena Welsh : « La montée physiologique de la peur ressentie pendant une crise de panique est la réaction normale du corps à la peur (réponse combat-fuite). Simplement, elle arrive au mauvais moment (par exemple, induit en erreur, le cerveau se met à penser que vous êtes en danger). Durant une crise, votre corps répond à un danger qui n’est pas réellement là. Lorsque que nous détectons un danger (ou pensons le faire), notre cerveau envoie un signal au système nerveux viscéral, qui est constitué de deux parties : les systèmes nerveux sympathique et parasympathique.

La réaction immédiate à la peur vise à nous protéger en préparant le corps à combattre ou fuir.

Si vous tombez sur un ours alors que vous êtes seuls dans les bois, la réponse combat-fuite sera complétement justifiée et pourrait bien vous sauver la vie. »

Et sur le plan physiologique, quels sont les signes de la panique ? Comment s’exprime-t-elle dans notre corps ?

Elena Welsh : « Lors de l’activation du système nerveux sympathique, la fréquence cardiaque augmente alors que le corps se prépare à l’action en augmentant la vitesse de la circulation sanguine dans le but d’améliorer la distribution d’oxygène dont votre corps a besoin. De plus, des changements dans la circulation sanguine permettent d’être plus efficacement préparé pour l’action en concentrant le sang là où il est le plus demandé. Par exemple dans les muscles larges, et en réduisant la circulation sanguine là où il est le moins demandé, par exemple dans les extrémités. C’est pourquoi, au cours de crises de panique, des faiblesses et des changements de température peuvent se faire ressentir dans les mains ou les pieds. Cet acheminement temporairement réduit du sang vers le cerveau est responsable des sensations de confusion ou de vision floue.

Il est aussi normal que la respiration s’accélère car le corps a besoin de plus d’oxygène pour la réponse combat-fuite.

Les glandes sudoripares sont activées afin de refroidir le corps, ce qui explique que la transpiration est une sensation commune. D’autre part, il est possible d’être sujet à de la nausée ou de la diarrhée car l’énergie quitte le système digestif, ainsi qu’à une salivation diminuée ce qui mène à des sensations de bouche sèche voire d’étouffement. Étant donné que les muscles se préparent à l’action, vous pouvez ressentir de la tension voire des tremblements musculaires. Toutes ces manifestations sont des réactions physiques normales. Il faut garder à l’esprit que ces changements physiques sont défensifs, car ils sont façonnés pour nous garder saint et sauf. Même si on peut les trouver extrêmement désagréables, ces réactions ne sont donc pas dangereuses. »

Comment réagir en cas de crise de panique ? Quels sont les bons réflexes à avoir pour faire baisser la panique en nous, la contenir ?

Elena Welsh : « Plus on est capable de se rappeler à soi-même qu’il n’y pas de réel danger, le plus rapidement on est capable de garder le contrôle de son système nerveux parasympathique.

Quand on est au beau milieu d’une crise panique, se dire « je vais bien » ou « c’est une réaction normale de mon corps », c’est parler directement à son système nerveux parasympathique ; ce qui en retour calme le système nerveux sympathique.

Inspirer de manière lente et profonde est une autre façon de communiquer au système nerveux parasympathique que tout va bien, ralentissant ainsi voire stoppant la réaction panique. »

Quels sont les atouts des thérapies cognitives et comportementales pour traiter ces troubles panique ?

Elena Welsh : « Il y a de nombreuses techniques différentes qui ont fait leurs preuves pour réduire l’anxiété et la panique. Parmi les principales interventions des thérapies cognitives cérébrales :

 –       Les stratégies de relaxation pour s’aider à se relaxer et apprendre à respirer de manière à se calmer.
–       Les stratégies cognitives qui aident à corriger des schémas de pensée erronées.
–      Les stratégies de pleine conscience (mindfulness) pour se concentrer sur le moment présent plutôt que sur l’appréhension de ce qui arrivera par la suite.
–       Les stratégies d’acceptation qui aident à augmenter la tolérance aux sensations inconfortables, de telle sorte à ce que la panique et l’anxiété n’affecte pas la vie au jour le jour.
–       Les stratégies d’exposition pour aider à faire face en expérimentant les choses qui effraient dans le but de paradoxalement réduire la peur. Il y a trois types de techniques d’exposition :

L’exposition imaginaire consiste à imaginer en détails que l’on vit les évènements ou situations redoutés.

L’exposition in vivo implique de se mettre dans des situations réelles qui sont craintes.

L’exposition intéroceptive implique l’exposition aux sensations d’anxiété et de panique dans le corps

Les techniques d’exposition sont très efficaces pour réduire les symptômes de la panique.

Sous de nombreux aspects, il s’agit du protocole de traitement le plus simple à développer et suivre, au vu de sa nature simple et concrète. Néanmoins, ce type de programme de traitement est plus souvent plus facile à dire (ou à écrire…) qu’à faire. Étant donné que certaines expositions peuvent être effrayantes, il est important d’incorporer d’autres stratégies et concepts thérapeutiques afin de développer la motivation et l’habilité à suivre un protocole d’exposition. »

Est-il possible de prévenir les crises de panique ou du moins d’en atténuer les effets ? Par quels moyens ?

Elena Welsh : « Les pratiques de pleine conscience telles que la méditation et le yoga ont fait leurs preuves s’agissant de la réduction de la réactivité émotionnelle dans le cerveau. Elles pourraient ainsi bien réduire la probabilité de subir de la panique dans le futur ou le degré de sévérité des crises de panique. Tout ce qui réduit le stress chronique, comme la respiration profonde ou d’autres techniques de relaxation, influe sur les niveaux d’hormones du stress, comme le cortisol, ce qui peut également aider à réduire la fréquence et la sévérité des crises de panique. »

Existe-t-il un lien entre le mode de vie (sommeil, alimentation, sport, nature…), l’environnement affectif/social/professionnel et la prédisposition à la panique ?

Elena Welsh : « Oui, les périodes de fort stress augmentent la probabilité de ressentir de la panique. Pratiquer une activité physique régulière peut réduire la panique parce que cela entraîne votre corps à être plus efficace, à mieux réagir aux hormones du stress et à revenir plus facilement à un situation physiologique optimale.

Manger riche en nutriments, des aliments non transformés sera aussi utile. Des aliments qui sont riches en glucides simples, comme le sucre et la junk food, ont tendance à augmenter la glycémie. Ce qui mène en fait à une chute brutale du taux de sucre sanguin et peut vous faire sentir plus nerveux et favoriser la panique. Il est enfin prouvé que passer du temps dans la nature fait baisser les hormones de stress. »

Quels autres conseils pouvez-vous donner à nos lecteurs qui souffrent de crises d’angoisse aiguës ?

Elena Welsh : « Essayez d’arrêter d’éviter les choses qui vous effraient, qu’elles soient grandes ou petites (dans la limite du raisonnable, bien sûr). Quand vous évitez quelque chose car vous en avez peur (comme la prise de parole en public), le soulagement qui s’en suit induit votre cerveau en erreur en pensant que vous avez évité le danger et augmente donc la probabilité de ressentir de la peur et de l’anxiété en lien avec cette activité dans le futur. A l’inverse, ne pas éviter cette expérience dit à votre cerveau que cette activité ou cet évènement n’est pas dangereux, amoindrissant la peur et diminuant la probabilité de ressentir les effets physiologiques de la panique en lien avec cette activité dans le futur. »

Propos recueillis par Nasser Negrouche

Un manuel anti-panique
Qu’est-ce qu’une attaque de panique ? Quel est son effet sur le cerveau et le corps ? Quelles sont les méthodes les plus efficaces pour y faire face ? Pour en savoir plus sur la manière dont vous pouvez apprivoiser vos peurs et combattre les attaques de panique, nous vous recommandons le livre du Dr Elena Welsh « Faire face aux attaques de panique et crises d’angoisse aiguës » (Desclée de Brouwer). Vous y trouverez tous les outils des thérapies cognitives et comportementales (TCC) qui peuvent réellement vous aider. Dans le domaine des troubles anxieux, les TCC sont la méthode la plus éprouvée pour apaiser son esprit et retrouver confiance en soi, quand on en a le plus besoin. Ce guide vous permettra de diminuer l’impact et la fréquence des attaques de panique grâce à des exercices simples et utilisables dans tous les contextes, et des stratégies de relaxation, de pleine conscience et d’acceptation. Il vous donnera des conseils sur le sommeil, l’alimentation, l’exercice physique et vous montrera comment vous exposer de façon progressive à ce qui déclenche vos peurs, pour les apprivoiser.

Faire face aux attaques de panique et crises d’angoisse aiguës
Dr Elena Welsh, Desclée de Brouwer, 16,90 €

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