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Mais où diable ai-je garé ma voiture ?

Pas de panique ! L’oubli est essentiel au bon fonctionnement de notre cerveau. Mais parfois celui-ci bugge !

La scène est digne d’un cauchemar : cela fait de longues minutes que vous cherchez votre voiture dans ce parking de supermarché en sous-sol. Vous tentez de vous remémorer le moment où vous avez garé le véhicule mais le souvenir vous échappe.

Notre petite machine à souvenir

Pour comprendre ce qui a bien pu se passer dans votre tête, il faut s’intéresser à notre petite usine à souvenir. Le cerveau est sans cesse en train d’enregistrer ce que nous vivons. Chaque expérience de vie arrive via nos sens jusqu’à l’hippocampe, au coeur de notre boîte crânienne. Ce maître d’oeuvre, sorte de gare de triage de nos perceptions, traite l’information et la projette sous forme de réseaux neuronaux – les traces mnésiques – dans les greniers de notre cerveau. Ce sont les deux stades de la mémorisation : l’encodage et le stockage. Lorsque nous nous souvenons, nous réactivons ces réseaux neuronaux : c’est la phase dite de récupération. Plus ceux-ci sont sollicités, plus ils deviennent puissants, un peu comme si on soulignait nos souvenirs au fluo. S’ils ne le sont pas, ils finissent par perdre en intensité et revenir à un niveau bas. L’oubli est la caractéristique d’une trace mnésique qui n’est pas sollicitée.

Un tri entre nos souvenirs

Tout se passe pendant la nuit. Lorsque vous éteignez la lumière et plongez dans les bras de Morphée, votre cerveau continue, lui, de travailler et passe en mode« tri et recyclage ». Deux phénomènes semblent alors à l’oeuvre. D’abord, un passage en revue des connexions neuronales activées lors des moments importants de votre journée. Ensuite, ce que les neuroscientifiques nomment le downscaling. Le cerveau semble alors actionner un variateur de lumière vers le bas : les réseaux neuronaux les plus puissants vont baisser d’intensité, tandis que ceux de faible intensité vont revenir à leur état initial, celui de l’oubli. Le tri entre ce que nous allons retenir ou non se fait ainsi. Un processus que les neuroscientifiques nomment l’“homéostasie synaptique”.

Oublier permet de nous focaliser sur l’essentiel

Mais pourquoi donc le cerveau mobilise-t-il tant d’efforts pour oublier ? Potentiellement, nous pourrions pourtant garder en mémoire l’infinité de nos expériences de vie. Nous possédons entre 80 et 90 milliards de neurones, ce qui nous permettrait de stocker environ un milliard de souvenirs ! Pourtant, l’évolution a doté les êtres humains d’un cerveau qui fait disparaître une grande partie des informations qu’il a captées pendant la journée… Pourquoi ? Parce que l’oubli est un élément essentiel du processus cognitif. Comme votre cerveau ne peut se concentrer que sur une chose à la fois, oublier vous permet de vous focaliser sur l’essentiel. C’est cette capacité de concentration qui vous permet d’apprendre.

Sans oubli, pas de conceptualisation

Surtout, l’oubli permet de mettre de côté les détails. Et c’est loin d’en être un… Lorsque vous rencontrez une personne pour la première fois, vous allez encoder toutes les informations que vous percevez d’elle. Puis les fois suivantes, vous allez peu à peu oublier les éléments qui ne sont pas importants, pour vous concentrer sur ce qui va vous permettre de la reconnaître plus tard comme les traits de son visage. Vous savez désormais que ce nez, cette bouche et ces yeux sont ceux, par exemple, de votre nouveau collègue. Or, vous ne pouvez mener ce processus que grâce à l’oubli ! C’est grâce à cette faculté que nous sommes capables de généralisation et donc d’abstraction. Ainsi, nous ne nous souvenons pas de toutes les pommes que nous avons mangées dans notre vie, mais nous nous rappelons qu’un fruit de forme ronde de couleur verte, jaune ou rouge et qui a cette saveur caractéristique est une pomme. Sans oubli, pas de concept. Pas de philosophie, ni de pensée, de Platon ni de Descartes.

Parfois notre cerveau bugge

Bien sûr, cette petite machine a des loupés. Et nous en venons ici à notre voiture… Cette capacité à mettre de côté les détails peut aussi nous jouer des tours : c’est ce mécanisme qui nous met parfois dans de beaux draps, comme lorsque nous nous retrouvons à errer dans un parking de supermarché parce que nous ne savons plus du tout où nous avons garé notre voiture. Comment avons-nous pu oublier son emplacement ? C’est simple : nous avons garé notre véhicule tellement de fois dans notre vie que notre cerveau a généralisé. Il en est resté au concept – je gare ma voiture – et est incapable de retrouver les détails de cette fois-ci. Pour vous souvenir de votre emplacement de parking, il aurait fallu prêter attention à l’endroit exact et choisir des repères comme par exemple la proximité des Caddie afin d’encoder efficacement le positionnement du véhicule…

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